L’accessibilité des sites Web, un chantier à peine entamé


« Quand je surfe sur Internet, il m’arrive fréquemment d’échouer tout près du but, bloqué par un Captcha, par exemple, témoigne Franck, 48 ans, aveugle de naissance. C’est rageant, d’autant que je mets facilement trente minutes à arriver à cet endroit qu’un valide atteindrait en cinq minutes. »

Franck est loin d’être un cas isolé. « Plus d’un million de Français ont de gros soucis d’accessibilité visuelle sur Internet », estime Manuel Pereira, responsable accessibilité de l’association Valentin Haüy. Aux 100 000 aveugles environ que compte le pays s’ajoutent des centaines de milliers de personnes ayant perdu la vision centrale ou périphérique, des personnes à la vision floue ou encore celles qui perçoivent mal les contrastes.

Sites médicaux, de banques, d’administrations, services de réservation d’hôtel, de train, d’avion… Enormément de sites Internet leur sont inaccessibles, ou ne le sont qu’au prix d’efforts considérables. Pascale Isel, 60 ans, aveugle de naissance et formatrice en informatique, réussit à obtenir ce qu’elle souhaite sur un site sur deux, « quitte à passer des heures sur le même site ». Julien, 53 ans, ne trouve pour sa part ce qu’il cherche que sur un tiers des sites : « Et encore, je me censure : il y a des catégories de sites que je ne visite plus. » Geneviève, 75 ans, n’en visite quant à elle plus aucun, et ce malgré « des cours informatiques hebdomadaires ». « Je n’arrive plus à aller sur Wikipedia », se désole la septuagénaire. « De nombreux déficients visuels n’osent pas se risquer sur Internet », résume Pascale Isel.

Peu d’obligations réelles

« La situation est alarmante. L’impact est lourd sur leur vie personnelle et sociale, et cela contribue aussi à leur faible taux d’emploi », s’inquiète Katie Durand, experte en accessibilité à la Fédération des aveugles et amblyopes de France. Pour elle, les difficultés d’accès à Internet sont l’une des raisons pour lesquelles seulement deux déficients visuels sur cinq sont aujourd’hui en poste.

Les raisons d’une telle situation sont multiples. A commencer par la difficulté de définir avec précision ce qui fait l’accessibilité d’un site. Les problèmes varient en effet d’un déficient visuel à l’autre. Pierre, par exemple, ne voit que sur les côtés : « J’utilise une loupe. Mon cauchemar, ce sont les pop-up et les polices baroques. Rien à voir avec les soucis des aveugles, qui emploient des vocaliseurs d’écran. »

Cette diversité des handicaps est l’une des raisons d’être du référentiel général d’amélioration de l’accessibilité (RGAA). Cette liste contient une centaine de critères à respecter lors de la conception d’un site Internet, couvrant tous les handicaps visuels et physiques. Et la situation n’est pas brillante. La seule obligation du côté du privé, et qui ne s’applique qu’aux entreprises réalisant un chiffre d’affaires annuel de plus de 250 millions d’euros, est de préciser sur leur site si celui-ci respecte le RGAA. Or seuls 3,2 % le font, selon la Fédération des aveugles de France, et seulement 0,8 % déclarent être accessibles à 100 %.

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